Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la liquidation judiciaire sans jamais oser le demander.
Je me présente : Nathalie Richard, 55 ans, cheffe d’entreprise (01.10.2010) et liquidatrice (09.08.2023). Pas très instagrammable mais utile pour les 49 999 autres chef•fes d’entreprise qui ont été ou seront comme moi réputé·es “défaillant·es” par les Tribunaux de Commerce en 2023.
C’est le magazine #Capital qui signe un article (source 1) le 10.11.2023 pour alerter sur les défaillances croissantes d’entreprise au dernier trimestre 2023. Derrière ces chiffres, des femmes, des hommes, souvent honteux, et en tous cas taiseux. Beaucoup d’entre eux/elles vivent leur “silenciation” dans la plus grande discrétion.
Disons plutôt que beaucoup ne mouftent pas : ils/elles tentent d’échapper aux banques, institutions publiques, Trésor Public, services contentieux, mandataires, organismes prêteurs, salarié·es parfois furieux·es.
On ne parle pas de parapluies dorés dans notre cas à nous, petit·es patrons·es d’entreprises de moins de 9 salarié•es. Nous sommes les grands oublié·es des médias, de l’Etat, de l’opinion publique aussi, et pourtant c’est à nous que la France doit le risque d’avoir créé plus de 90% des entreprises du territoire français (source 2).
Après une liquidation, faut-il le souligner, nous n’avons ni aide financière, ni aide sociale, ni aide au logement, ni emploi. Pas de Pôle Emploi pour nous ou si difficilement (j’y reviendrai), pas de clémence bancaire non plus (j’y reviendrai aussi), l’omniprésence des courriers de l’URSSAF (j’insisterai un peu) et souvent peu d’ami·es (tant on a consacré de temps à nos toutes petites boîtes), rarement un·e conjoint·e, peut-être encore des parents s’ils ne sont pas décédés et des enfants, qui ont leur vie à mener. Quant à trouver un job salarié intéressant, après la passion de la création d’entreprise, n’en parlons pas (même si j’en parlerai bien sûr).
Les petit·es chef·fes des petites entreprises après la fin : qui s’en fout ?
Les réseaux professionnels (CPME, Mouvement des Entreprises de France ) qui nous ont pourtant tant sollicité·es avant, lorsque nous étions encore “bankable”, sont désormais aux abonné·es absent·es : rien n’est organisé dans les syndicats professionnels pour accompagner le·a dirigeant·e en liquidation judiciaire. Tout juste aurons-nous un appel du secrétaire général pour…renouveler la cotisation !
J’ai rencontré depuis le mois d’août tant de gens seuls, malades, dépressifs, anxieux parmi celles et ceux qui “ont déposé” ou “vont déposer” que j’ai décidé de consigner dans ce blog quelques conseils pratiques pour ne pas ajouter du malaise au mal être.
Je ne suis pas en colère, je ne suis pas triste, je ne ressens aucune honte non plus.
En près de 14 ans d’existence, ma TPE a compté jusqu’à 5 salarié·es, j’ai fait le job, comme on dit, mais surtout, si j’ai décidé en août 2023 de mettre mon entreprise en liquidation, je l’ai fait comme toutes celles et ceux qui l’ont fait avant moi : je l’ai fait avec courage et détermination. Car c’était mon choix, un acte de gestion, comme on dit.
A 55 ans, quand on a bien roulé sa bosse durant plus de 30 ans de vie professionnelle, décider de la fin de l’entreprise que l’on a créée 14 ans plus tôt relève d’un acte de courage, même lorsqu’il est désespéré.
Et du courage, nous, les oublié·es du système d’assistance sociale, ça tombe bien, car on en a. C’est même tout ce qui nous reste parfois.
Moi, je m’estime faire partie des privilégié(e)s, car j’ai un toit, la santé mentale, et la possibilité d’exercer en freelance mon activité de community manager et de coach commercial. Disons que je travaille à me faire connaître comme freelance. Rester indépendante, ce sera mon chemin d'après.
Mais d’autres autour de moi subissent cette décision de mise en liquidation comme une sentence et nombreux·ses sont celles et ceux qui se suicident ou disparaissent brutalement du paysage sans laisser la moindre trace de leur passage “sur le territoire” comme on dit.
Et c’est à eux que je m’adresse : sortez de l’ombre, racontez-nous, racontez-leur, racontez-vous, montons ensemble un collectif qui informe sur la cessation d’entreprise et redonne force et courage à celles et ceux que la société oublie.
Dans ce projet, je me suis entourée d’ami(e)s.
D’abord Yellow Studio by Christine Criscuolo, la photographe, qui a débarqué un jour à ma demande pour réaliser des photos de la nouvelle “moi”, celle d’après, moins blonde, moins jeune, moins fine. J’ai souhaité poser sans maquillage, sans artifice, sans filtres : c’est mon vrai visage, celui du temps qui a passé et je vous sers sur un plateau.
La première photo, ça rigole pas, hein.
Nulle honte d’avoir vieilli, grossi et blanchi : quelle importance ? Je suis vivante, j’ai des passions, des compétences éprouvées et moins de croyances que jamais.
Jusqu'ici, tout va bien.
Christine s’est chargée des photos, donc. Chaque article renverra vers son site (https://ccyellow.photo/) et ses réseaux sociaux.
frederic verdet quant à lui, ami de longue date et dirigeant de l’entreprise Protampons à Aubagne (13), m’a créé le tampon “apte” ✅ dont je me suis tamponnée le corps (et non le coquillard) sur certaines photos.
Ce tampon fait référence à ma nouvelle identité professionnelle (NATHALIEDAPT https://www.nathaliedapt.fr/) et à mon aptitude à dire, expliquer, communiquer, connecter, comprendre.
Et comme c’est à Apt-en-Luberon, dans le Vaucluse, que j’habite désormais, ça fait d’une pierre deux coups.
Je vous donne donc rendez-vous mardi prochain pour le premier article intitulé :
“Comment la terreur de l’urssaf m'a conduite à vendre mes bijoux de famille”.
N'hésitez pas à réagir, témoigner ou transmettre cet article, car je vais avoir besoin de vous toutes et tous pour que la voix des liquidé·es se fasse entendre.
Bon week-end,
Nathalie d'Apt.
📸 Crédit photo Yellow Studio by Christine Criscuolo https://ccyellow.photo/