Le courage de raconter sa liquidation judiciaire, pour quoi faire ?

“Il n’y a que les causes perdues qui méritent qu’on les défende”. Isabelle Sorente.

Le courage de dire, c’est ce qui m’anime dans ce blog et la narration de la liquidation de mon entreprise. 

C’est aussi ce qui fait vibrer Murielle qui m’a appelée hier soir, suite à mes publications de cette semaine, et qui m’a raconté “son cas”. Je vous l’exposerai un peu plus loin dans cet article.

C’est aussi ce qui pousse Patrice, Bénédicte, Pascal ou Aline à m’écrire en mp mais aussi à commenter, raconter ce qu’ils(elles) taisaient jusqu'alors. Avec le souhait, pour l’instant, de ne pas divulguer leurs identités respectives car “le jugement” n’est pas encore passé.

Le courage de dire, mais pas à n’importe quel prix : comme je les comprends, car ils ont déjà tellement payé et souffert.

Tant que j’en suis au courage, le mien, autant préciser une chose : mon courage de dire, s’il en est, je le tiens d’une colère qui ne me quitte plus depuis une enfance maltraitée, humiliée, insultante et violente. 

Quand on a la chance, et je mesure mes mots, de survivre à la violence de son enfance, on a du courage. J’en tire, de mon côté, une haine innée contre toute forme d'injustice. 

Naturellement, je trouve utile d’avoir à dénoncer ce que tout le monde tait. A l’instar du mouvement #Metoo et #MetooIncest dont je me sens si proche, il est en moi une force de (sur)vivre qui peut s’appliquer à tous les domaines. 

Mais l’on se survit pas sans dire : la prise de parole offerte (et ouverte) à tous(tes), c’est aussi ce qui anime ma cliente et amie Lydia Biskri fondatrice du podcast Ambition by Voox. Lydia a, à cette fin, consacré tout son podcast à la prise de parole des entrepreneur(e)s - et pas seulement aux happy few toujours les mêmes. Son objectif, comme le mien, est de prendre la parole et de dire. Allez écouter son podcast (1) si bon vous semble, vous verrez que la parole d’une coach skipper est aussi passionnante que celle d’un président de CPME.

Le courage, justement, puisque l’on aborde le sujet, c’est aussi ce qui manque à nos syndicats professionnels, CPME nationale en tête. Je ne connais qu’eux, car le temps est loin où je réseautais au Mouvement des Entreprises de France est révolu depuis bien longtemps. 

Le silence de la CPME sous mon dernier article sur la vente de ma petite bague émeraude (2) est assourdissant, vous ne trouvez pas ?

J’ai pourtant été très active lors la première campagne du président de la CPME Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur, Alain Gargani, en 2013. Plus tard, avec Energie PME face à l’équipe de la CCI Aix Marseille Provence actuelle, j’avais aussi apporté ma voix digitale. 

Pendant le confinement, j’ai animé gratuitement des ateliers de formation en ligne sur l’usage de LinkedIn que fréquentaient alors pas moins de 300 personnes en ligne ! C’est dire combien au fil des années, je me suis investie.

J’ai payé mes cotisations (tellement d’années pour la CPME13 ) mais aussi à la CPME 84, même si je l’ai fait moins longtemps quoique plus récemment. Deux cotisations dans deux régions différentes : pas mal, non ?

Je n’ai pourtant reçu aucun soutien du syndicat patronal. Tout juste plusieurs appels attentifs de mon ami de longue date, frederic verdet, qui je crois est en charge des mandats à la CPME13, mais qui n’a pas pu faire grand chose.

La seule aide, c’est de Corinne INNESTI que je l’ai reçue, car elle était mon expert comptable.

J’ai d’ailleurs aimablement souligné son rôle mais avez-vous vu passer la moindre réaction de quiconque de son équipe sous mes posts ? Je ne vois rien en tout cas et je ne m’en étonne plus.

Quel poids ont les syndicats professionnels face à l’urssaf ou face aux impôts et aux banques, vraiment ? 

Avant-hier se tenait même le salon Salon des entrepreneurs positifs de la CPME13 à Marseille. Salon dont bien entendu, en tant qu’adhérente, il m’a été proposé d’exposer. De façon payante, bien sûr. Ce que j’ai refusé car après avoir exposé il y a deux ans, et y avoir consacré inutilement budget, ressource et temps passé , j’ai choisi de mettre mes oeufs dans le panier de la communication digitale.

Durant ce salon se tenait une table ronde à laquelle Franck BARBE, Directeur Régional de l’urssaf Paca a été invité. 

L' Urssaf Paca, qui n'a pas réagi sous mes posts, a pourtant trouvé le temps de communiquer sur LinkedIn il y a 21h pour, dit-elle, "remercier la cpme13 pour le dynamisme du Salon Entrepreneur 13 organisé hier au palais (du) Pharo à Marseille" (3).

Une question a-t-elle été posée à ce Monsieur (tout aussi muet sous mes publications que sa direction nationale) sur l’étalement des dettes de cotisations sociales salariales ? Non.

A-t-elle été abordée la position de l’Urssaf paca vis-à-vis du nombre croissant de défaillances des entreprises au dernier trimestre 2023 ? Non plus. 

Pourquoi ce mutisme de la CPME vis-à-vis de l’URSSAF sur ces sujets qui fâchent ? Je l’ignore. Si vous avez une réponse, dites-moi.

Le courage, c’est de parvenir à s’opposer à la main qui vous nourrit, c’est, selon moi, le seul est unique courage dont on puisse se targuer.

Je pense qu’un enfant naît naturellement doté du courage de dire ce qu’il ressent. Mais très vite, selon les injonctions plus ou moins contradictoires qui lui sont opposées dans l’enfance, le courage de dire s’étiole (même si je crois que le courage ne meurt jamais) (il suffit de le réveiller). Pour finir, souvent, à l’âge adulte, l’être humain est mû par une “bien pensance” que l’on appelle “tolérance” ou “bien vivre ensemble”. 

Apprendre à masquer l’essentiel, paraître aimable pour être aimé(e), justifier sa lâcheté à ne pas dire ou ne pas agir derrière des ressorts narcissiques, manquer à l’appel du collectif pour préserver son intérêt personnel, tout cela relève d’une attitude d’adulte dérivée de la peur.

“Le courage est toujours le fragile aveu de ses propres peurs que l’on a décidées d’affronter”. Louise Hemmerlé .

C’est une citation extraite de l’un des nombreux podcasts que j'écoute, “Passages” produit par Louie Media et réalisé par Louise Hemmerlé.

Je vais vous raconter ce qu’il faut de courage pour faire face, seul(e), à une conjoncture économique ultra-tenue sans la moindre aide ni des organisations syndicales, ni de l’établissement bancaire, ni de quiconque, pas même du mandataire.

Voici donc le témoignage de Murielle, cheffe d’une pme de 4 personnes existant depuis plus de 20 ans en région parisienne, en redressement judiciaire depuis un mois et demi et en urgence absolue.

Avec Murielle, nous ne nous connaissions pas avant l’article sur les bijoux de l’urssaf. De commentaires publics en messages privés, Murielle et moi nous sommes parlé hier soir : Murielle a mis son entreprise en cessation de paiement début novembre et est depuis en redressement judiciaire.

L’entreprise, qu’elle a reprise au décès de son dirigeant il y a 3 ans, est sous-traitante de grands comptes du nettoyage de chaudières industrielles et compte des hopitaux et établissements publics comme clients. 

Les commandes affluent, les contrats sont pluriannuels, zéro souci du côté des commandes. En revanche, le chiffre d’affaires et la rentabilité de l’entreprise sont mises en péril par le départ en retraite de l’un des salariés en 2022.

Son souci à elle, c’est le recrutement. 

Il lui manque un technicien spécialisé, ultra-rare dans son domaine, son équipe nécessite une formation et une qualification que l’on ne trouve plus. 

Murielle ne verse pas dans le “personne ne veut plus bosser” mais “personne ne veut faire ce boulot”.

Elle a pourtant tout essayé pour le remplacer : embauches d’apprentis, partenariats avec des écoles, chantier d’insertion, pôle emploi, indeed et même facebook et Le Bon Coin : rien n’a fonctionné depuis un an. Elle est donc contrainte, par manque de Ressources Humaines, de refuser des chantiers.

La trésorerie avait été tendue par le COVID : moins 60 000 € de chiffre d’affaires en 2020 du fait de la saturation des hôpitaux, ses premiers clients, qui avaient dû différer les interventions de maintenance.

Murielle a eu recours au PGE, certes, mais à hauteur de 20 000 € sur les 60 000 € de manque à gagner sur l’exercice Covid 2020. Son “partenaire bancaire” (c’est bien comme cela qu’on dit, n’est-ce pas, quand on parle des banques ?), la BNP, était alors au rendez-vous. 

Mais la façon dont le “partenaire” a réagi le mois dernier, lors de la mise en redressement judiciaire, vous allez voir, vaut quand même son pesant d’or.

Car lorsque Murielle a dû commencer à refuser des commandes qu’elle ne pouvait plus honorer par manque de personnel, elle a aggravé la situation financière de son entreprise. Moins de commandes > moins de marge > moins de trésorerie.

Jusqu’à décider début novembre de mettre son entreprise en cessation de paiement puis en redressement judiciaire.

Le lendemain du jugement, avant 10h du matin, sa banque, la BNP, a bloqué son accès au compte professionnel de l’entreprise sur lequel elle disposait de 30 000 €. Depuis, de RAR en saisines du juge, elle tente de convaincre son mandataire d’e contraindre la banque à reverser le solde créditeur sur le compte administré par son mandataire. Mais rien n’y fait.

Elle tente aussi de récupérer l’excédent de cotisations salariales versées sur le compte de l’ Urssaf des indépendants Urssaf Ile-de-France : elle n’y parvient pas plus.

Elle ne se verse pourtant plus aucun salaire depuis des mois et vit de la solidarité de son époux. Dans une silenciation digne d’un viol.

Alors voilà, je vous pose la question : quelles solutions s’offrent à elles pour sortir de cette impasse aux multiples facettes ? Qui d’entre vous aurait une solution à lui communiquer en commentaire ? Comment l’aider ?

Je crois, en somme, que c’est à cela que sert un collectif : dire pour aider.

Le courage de dire, c’est pour aider.

Je vous donne rendez-vous mardi prochain pour un prochain article qui s’intitulera “Comment j'ai dit sans dire à mon équipe que j'allais liquider l'entreprise ?”.

Bon we,

Nathalie d’Apt. 

1/ Ecouter le podcast Ambition by VOOX : https://agence-voox.fr/saison-4-episode-3-interview-daurelia-bellagamba-dirigeante-de-ab-solutions-coach-performeur-et-ancienne-skipper/

2/ Lire l'article "Comment l'Urssaf m'a conduite à vendre mes bijoux de de famille" https://www.linkedin.com/pulse/comment-la-terreur-de-lurssaf-ma-conduite-%25C3%25A0-vendre-mes-d-apt--u231e.

3/ La réaction de l'Urssaf Paca suite au salon Entrepreneurs 13 https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7141453291456016386?updateEntityUrn=urn%3Ali%3Afs_feedUpdate%3A%28V2%2Curn%3Ali%3Aactivity%3A7141453291456016386%29

📸 Crédit photo Yellow Studio by Christine Criscuolo https://ccyellow.photo/

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