Nudge, fake news, filtres et auto-promo : parler vrai, pourquoi ça importe ?
Parler vrai, c’est oser risquer de se couvrir de ridicule.
Il est parfaitement nauséabond, aujourd’hui, en France, de parler vrai. Ni au plus haut niveau du gouvernement, ni parmi nos élu(e)s, ni au sein des petits chefs des syndicats professionnels, ni sur certains médias, ni ici, sur LinkedIn, l’authentique prise de parole n’est valorisée.
Sur un réseau social, en 2023, cultiver le vrai est une hérésie.
La photo d’un visage sans filtre, malgré le hashtag #NoFilter aux 285 millions 475 699 abonné·es sur Instagram, est une tentative rare et parfois même vite regrettée.
Physiquement parlant, déjà, oser les bourrelets voire le surpoids, les cheveux poivre et sel, le cou surpeuplé, les bras flasques, la paupière tombante ou le cheveu rare, si vous ne vous appelez pas Sophie Fontanel ou Kad Merad : suicidaire.
Au-delà de l’apparence, c’est une tendance générale à l’emploi du faux pour prêcher le « vrai » ou le « bon » qui prédomine.
Si l’art de la manipulation du consommateur au travers des publicités n’est pas nouveau, c’est l’emploi généralisé du faux et même du mensonge qui est institutionnalisé : on dit ce que l’on fait, mais ce que l’on fait n’est pas du tout ce que l’on a dit.
Pour exemple, le changement de nom de Pôle Emploi à France Travail qui insinue qu’au-delà d’un emploi, c’est un de contribuer à l’effort collectif qui importe, que vous en soyez apt·e ou pas.
Le "nudge", c'est une forme de manipulation dans la communication qui influence nos comportements dans un sens qui correspondrait mieux à l’intérêt général ou à celui du législateur.
Le nudge, c’est inviter à faire sans consentement éclairé. Dire du faux pour prêcher du faux.
Comme ⤵️
Travailler en acceptant un CDI à 35k€ de cadre débutant malgré 7 ans d’études et 30 ans d’expérience parce-qu’il est valorisé de travailler plutôt que de demander un emploi décent vis-à-vis de ses qualifications.
Le RSA, qui était à l’origine un minimum pour celles et ceux qui ne pouvaient justement pas travailler, va être assujetti à 15 ou 20 h de travail gratuit, pour le coup. Je vous renvoie à cet article de Les Echos d’octobre 2023 qui rappelle quelques fondamentaux sur le nudge de ce glissement de Pôle Emploi à France Travail (Source 1).
Dans ce magma d’approximations, j’ai, de mon côté, choisi d’opter pour le vrai discours sur ce qui n’est pas admis : oser dire ce que l'on tait, sur la liquidation judiciaire d’une entreprise comme sur le reste.
J’ai choisi d’oser remettre en question la violence institutionnalisée de l’Urssaf ou des banques vis-à-vis des chef·fes des petites entreprises, c’est mon job de communicante.
Mettre le doigt sur des sujets dont ne s’emparent pas les syndicats patronaux : c’est important, oui.
Dans un climat général faux et ultra faux “nous aidons nos entreprises”, oser questionner la CPME nationale ou le Mouvement des Entreprises de France sur leurs réelles actions afin de protéger le·a patron·ne de pme de la pression ignoble exercée par l’ Urssaf Caisse nationale ou par les banques via la caution solidaire :
C’est exactement ça, lutter contre le nudge.
Prêcher le faux (“Nous aidons nos entreprises”) pour encourager à l’entrepreneuriat et cacher la détresse immense dans laquelle se trouvent tant de petit·es chef·es de petites entreprises, tant d’auto-entrepreneurs, tant de professions libérales.
Mais mon choix, sur cette communication social media, ici sur LinkedIn, s’appuie sur ma pratique des réseaux sociaux et sur les 14 ans de direction d'un organisme de formation spécialisé en communication social média. J’opte pour le parler vrai.
Why that ? Parce-que la vérité compte pour moi. C’est ma valeur à moi.
Il faut dire que ma mère, qui est une "intellectuelle baratineuse" (féministe à la botte d'un tyran domestique), était ainsi qualifiée par "l'homme de sa vie" (mon père, une vraie terreur) : "elle est franche comme un âne qui recule ».
Sympa, la famille ? Oui, oui. Very nice.
Mensonges, approximations, omissions, tabous et secrets de famille étant mon héritage, j’essaie de me frayer un chemin vers une forme de vérité. Je dis bien : j'essaie.
Ca a créé chez moi une personnalité revendiquée comme « disante ».
Je pense qu’il y a une vertu à être clair•e dans les faits, les narrations, dans l’exposé de ses aléas de vie professionnelle comme personnelle.
Je vous ai dit que mon père était mort d’Alzheimer fin 2022, quelques années à peine après que sa propre mère, ma grand-mère paternelle (qui était aussi féroce que lui), ait péri de la même maladie. Je me rassure en me disant qu'ils ont peut-être fini à la charge de leurs "aidants" réduits en esclaves peut-être parce-qu'ils ne pouvaient pas assumer leurs secrets.
Je me berce d’illusions, je sais, mais comment survivre, sans cela ?
D'où mon inclinaison à dire. Pour échapper à Alzheimer ? Oui, peut-être.
Ici sur LinkedIn, pourtant, c’est le faux de la bien pensance qui prédomine : éclats de succès, auto-gratifications, levées miraculeuses de fonds non moins miraculeux dans un contexte de crise économico-politico-genro-climato-non-sceptique.
Mieux ⤵️
La photo de l’expert comptable aixois tout juste diplômé et posant 20 ans plus tôt en boat people aux côtés de sa mère. Que quelqu’un fasse un sujet sur lui : soit. Mais que lui-même s’auto-congratule de la sorte ? Ça me choque. Et même, ça me paraît suspect. Car comment faire confiance à un Conseil aussi narcissique, vraiment ? Déjà que je n’aime pas tellement les experts comptables…
Ou encore ⤵️
Le story telling Success Freak « Moi, serial entrepreneur, te dire à toi, sous-produit free-lance, comment gagner de quoi t’offrir en moins de 4 semaines la Porsche, la meuf et l’appart première ligne face à la mer.” Non, non. On arrête ça aussi.
Ca doit être l’héritage de ma lignée d’ouvriers (cf https://www.linkedin.com/pulse/lentrepreneuriat-est-il-r%25C3%25A9serv%25C3%25A9-aux-riches-nathalie-d-apt--np6lf/) mais je n’adhère pas à cette falsification nauséabonde de la vie professionnelle.
J’ai pourtant, je vous assure (comment vous le prouver ?), bien roulé ma bosse, comme on dit : j’ai étudié longuement, fait les classes préparatoires parisiennes Maths Sud, Maths Spé, intégré une école d’ingénieurs. Puis, durant 18 ans, j'ai travaillé chez Nestlé, Air Liquide avant de manager des équipes chez Altran ou Yokogawa, et de créer il y a 14 ans ma petite entreprise qui a compté jusqu’à 5 salariés.
Sur le papier, je pourrais me gargariser, il y a mieux, il y a moins bien, certes, mais j’aurais pu en faire une sucess story.
En vrai, j’ai dû bosser comme une malade en classes prépa, j’ai intégré une petite école d’ingénieurs UniLaSalle où je me suis terriblement ennuyée, j’ai été embauchée pendant 20 ans dans des grandes entreprises françaises pour démarrer de nouveaux marchés, mais c'était tellement boring de travailler pour des "politiques", que je ne restais pas plus que deux ou trois ans.
La vérité, c’est que mon salaire n’a jamais dépassé 5000 € par mois alors que je découchais 3 nuits par semaine de chez moi, que je gérais une équipe de 40 commerciaux super nantis et que je n’avais aucun talent ni aucun goût pour le management.
La vérité, ça n’est pas ce qui est écrit sur LinkedIn, non.
En revanche, celleux que j’accompagne depuis tant d’années à réussir comme entrepreneurs et qui transitionnent tant bien que mal du salariat à de l’entrepreneuriat, où êtes-vous dans cette pommade de fake ?
Je lis des publications à 50 likes sur LinkedIn de coachs qui taguent la terre entière, 60000 REBONDS, CJD, APM - Association Progrès du Management, Germe, le réseau de progrès des managers (voyez que je sais le faire aussi) mais qui ne gagnent pas leur vie.
Ca se gargarise de développement personnel et de citations "Seul on va plus vite etc..." mais derrière, il n'y a que du vent...
Alors que dire la vérité sur son parcours, sa situation, ses interrogations : c'est osé, mais c'est vrai.
✔️Alors vous qui galérez dans vos cabinets de coaching, vous les webmasters, biz dev, P.A, DAF, RAF, skippers, podcasteurs, animateurs ou formateurs qui bouclez des fins de mois difficiles dès le 10ème jour, osez parler.
✔️ Vous dont les « sièges sociaux » sont vos chambres d’ami•es, vos couloirs, vos garages, osez dire.
✔️Vous, les over-50’s, qui ne trouvez pas de CDI malgré les mirifiques CDD de gardiennage de J.O généreusement proposés par Pôle Emploi, osez raconter vos galères. D'ailleurs, à ce sujet, allez suivre le compte de Christel de FOUCAULT, elle explique cela très bien.
✔️Vous, les #rqth relégué·es aux oubliettes du #handicap, après un cancer, un burnout ou un « accident de la vie » (comme on dit), osez expliquer.
✔️Vous les #LiquidésOubliés à peine aptes à rembourser pendant 10 ans la caution solidaire de la banque ou les cotisations URSSAF TNS après une liquidation judiciaire, osez rompre le silence et la honte.
✔️ Vous, aussi, les djeuns (je sais que ça se dit plus, djeuns, mais qui ça dérange, que je sois assez boomer pour l’utiliser ?), qui avez rêvé de conception de jeux vidéos, de réalité augmentée, de communication événementielle et qui galérez déjà à trouver un stage ou une alternance, osez parler du plafond de verre.
Où êtes-vous, vous qui ne faites rien de grandiose ?
TikTok s’est précisément fait une place au soleil des réseaux sociaux en prenant le contrepied de Meta : on a vu, dopés par un algorithme favorable, émerger sur TikTok en septembre 2016, des looseurs anti-success-model étaler leurs non-exploits et leurs jobs difficiles sur la toile.
C’était nouveau, même si ça n’était pas parfait car TikTok demeure grossophobe, homophobe, raciste. Ce médium social a opté pour un créneau hérité d’un communisme chinois encore très vivace : il est classiste.
L’opposé des américains Facebook, Instagram, LinkedIn, YouTube qui nous ont biberonné·es de tant de succès qu’on finit par être beaucoup à réclamer : du vrai ! De l’imparfait ! Du vécu ! De l’humain !
Dans mon parcours de communicante, je me souviens très nettement des débuts de Facebook en février 2006 (en France). On était déjà condamné•e à être « bancable » pour figurer sur la liste d’ami·es de la journaliste France 3 Régions du coin ou sur celle du président de la CCI pour (consécration), pouvoir le « poker »…
Depuis, le fake a envahi Meta au point d’en faire des « files » de faux électeurs.
Il y a un article en anglais de Forbes qui date du 30 novembre 2023 et qui explique très bien combien Meta demeure un gros pourvoyeur de faux comptes et peine (ou ne souhaite pas) faire le ménage (Source 2).
X-Twitter, depuis qu’il a été racheté par notre ami Elon Musk, est passé maître du faux compte, du faux ami, du faux aveu et des fausses photos.
En moins d’un an, cet entrepreneur mégalo a réussi à précipiter le réseau social dans une chute sans précédent. L’article de la La Tribune daté d’il y a quelques jours l’explique très bien.
LinkedIn a su faire le ménage en revanche des faux comptes, mais glisse lentement vers une auto-congratulation nauséabonde qu’il va falloir stopper si le réseau social veut survivre.
Alors welcome aux personnes vraies, à celles qui pourraient oser parler ici d’échec, de mal-être, de doutes, de frustrations, de colère aussi (la belle affaire, être en colère ? witf ?!).
Je me souviens de ma vie d’avant, près de 15 ans passés en métropole aix-marseille.
Je me souviens en particulier d’une présidente d’association du numérique, une fille chouette au demeurant, coincée entre un fêlé masculiniste et insultant, le Président de l’association (un vrai taré), son entreprise de 100 personnes, sa fille, l’entreprise de son homme, et ses sourires exsangues entre deux séances de chimio.
Je me souviens du mensonge de sa vie entière, elle qui se revendiquait comme féministe et subissait sur WhatsApp les assauts dérangés de son président d’association qui la traitait (nous traitait toutes - c'est bien pour ça que j'en suis partie) de "MILF"...
Pourquoi supporter ça ? Pourquoi cultiver le faux ? Pourquoi ménager ses intérêts professionnels en oubliant sa propre santé mentale alors même qu’être indépendant•e, c’est précisément choisir d’être libre de dire, d’être, d’agir et de placer le curseur de sa réussite sur celui de ses valeurs ?
Quelle honte y a t il à être ?
C’est sans doute l’âge avançant, mon côté pré-boomer, qui me donne ce privilège : j’ai été blonde, mince, séduisante, dit-on, soumise, empêtrée, conditionnée à gagner et à communiquer positivement sur moi, sur mon entreprise, sur mes enfants, sur ma maison, sur mon corps et sur ma vie : alors que…quelle importance ?
Mon père est mort le 2 décembre 2022, j’ai liquidé mon entreprise le 9 août, le 2 août, je me suis rasée le crâne, pour voir la vraie femme derrière tant de bien pensance. Puis je me suis mise à écrire car il me fallait faire sauter cette chape de plomb.
Dire, pour être.
Rejoignez-nous, en tous cas, sur ce blog, si dire votre vérité vous séduit aussi.
Je vous souhaite de terminer l’année en beauté et vous dit…à l’année prochaine !
Bonne fin d’année,
Nathalie d’Apt
📸 Crédit Photo Christine Criscuolo Yellow Studio https://ccyellow.photo/
Source 1 - “Réforme du RSA : la mise au point du patron de Pôle emploi“
Source 2 - “Meta shuts down thousands of fake china based facebook accounts aiming to polarize US voters”.
Source 3 - “2023, l’année de l’effondrement de Twitter”